top of page

Eye to Eye

Narration

Eye to Eye est un travail artistique que j’ai développé en 2015, questionnant la discrimination algorithmique quotidienne, liée à l’hypervisibilité ou à l’absence de données. Eye to Eye est une application de rencontre amoureuse, partie intégrante du projet HDS – Human Digital System. Cette pratique a pour point de départ un récit d’anticipation :


Chères Citoyennes,
À tous les utilisatrices de Glass Diordna. Votre application de rencontre Eye to Eye évolue. Nous vous proposons de troquer vos lunettes, contre une technologie de pointe, Eye Diordna, qui utilisera vos greffes oculaires comme support de l’application. « Machine to machine in done. Let’s go for a face to face meeting », sera le slogan incontournable de cette année 2070. De plus, nous avons améliorer l’application. Le temps de visualisation passera de 5 secondes à 2 secondes, afin d’accéder plus rapidement aux informations personnelles de la personne visée. Cependant, parce que nous nous devons de vous offrir le maximum de sécurité, nous avons supprimé le compte premium et débloqué toutes les informations sensibles, susceptibles de mieux analyser l’individu visualisé. Avec Eye to Eye, aucune rencontre ne pourra plus jamais débuter dans le doute et l’incertitude.
Léa Paoli
IODI
Le 17 juillet 2070


Eye to Eye est une application universelle. Il est possible d’y accéder à tous moments et de tous lieux, par le biais de l’unification et de l’homogénéisation des systèmes réseaux, propriétés de la Federal World Government (F.W.G). Grâce à cette unification entre les géants d’internet et le rachat de certains réseaux privés par le gouvernement, les autorités surveillent en permanence les citoyens grâce aux systèmes audios et vidéos des objets connectés et des caméras publiques et récupèrent les données corporelles par les puces RFID de la population.

L’unification est totale et la vie privée n’existe plus.

Focus1_insert bon.png

Données utilisées

Focus1_insert bon2.png

Discrimination algorithmique

 

Eye to Eye interroge non seulement la création d’un « greffon » technologique imposé aux corps humains, mais interroge également les conséquences d’une communicabilité. Jacques Attali insiste sur le fait qu’actuellement ces technologies

 

ne sont pas compatibles […] ce qui permet d’éviter que tous ces fichiers soient compatibles car la protection de la vie privée exige l’incompatibilité des fichiers, au moins leur incommunicabilité. L’incompatibilité étant la meilleure façon de se protéger contre la communicabilité (1). 

 

La deuxième décennie du XXIe siècle souffre d’une cacophonie informationnelle, conséquence d’un verrouillage stratégique de la part des surpuissances mondiales (2). Néanmoins, devons-nous envisager l’abolition totale des frontières numériques lors des prochaines décennies ? Une seule et unique gouvernance technologique sera-t-elle créée ? Cette compatibilité numérique serait-elle la conséquence d’une ingénierie sociale arrivée à son paroxysme ? 

 

Eye to Eye se base sur les données des citoyens. En revanche, l’application nous dévoile avec une très grande précision les informations relatives à la personne, ou à l’objet que l’oeil regarde. Le plus marquant est le dévoilement très important de l’intimité des citoyens. C’est le cas des mensurations de la personne regardée (taille, poids, longueur et largeur du pénis), accentuée par l’utilisation du compte premium qui sera débloqué lors de la prochaine version (date et heure de la dernière relation sexuelle, la durée de cette relation, ainsi que la moyenne de satisfaction de ses partenaires sexuels). Ce qui nous semble très intime aujourd’hui, semble ne plus l'être en 2137.

De plus, le consentement citoyen semble acquis, puisque la personne qui utilise Eye to Eye, se sert de ce système ultra intrusif, afin d’éliminer tout doute et incertitude. À l’inverse, elle sait que les personnes la regardant avec l’application, ont également accès à toutes ses informations. Eye to Eye semble être une réponse directe de la part de la Federal World Government au rapport accablant de la Odd Mutant Gang. Cependant la volonté de protéger les citoyens par le biais d’une surveillance rapprochée pose une problématique majeure. La violence discriminatoire due à la catégorisation des individus, qui accable nos sociétés depuis des siècles, envers les personnes dites « différentes, non normées, nuisibles », ne peut-elle pas se renforcer avec l’utilisation non réfléchie et inhumaine de ces données citoyennes ? Rendre accessible à tout le monde, notre salaire, notre orientation sexuelle, ou encore la longueur de notre pénis, ne peut-il pas engendrer des violences morales et physiques ? Mettre ces données sensibles entre les mains d’algorithmes, ne serait-il pas l’une des plus grandes erreurs humaines des années à venir ? Nous nous devons d’interroger les conséquences de ces biais algorithmiques, principalement genrés et raciaux.

Focus1_insert bon4.png
Focus1_insert bon3.png
bottom of page